Hugo Blouin: la voix, la parole et le sport national

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Lors de la remise des derniers prix Opus le 2 février dernier, le Conseil québécois de la musique a récompensé pour le meilleur concert de l’année (catégorie jazz) Sport national, le projet du contrebassiste et compositeur Hugo Blouin. 

D’abord remarqué en 2018 avec Charbonneau ou les valeurs à’ bonne place, où il réalisait l’exploit de mettre en musique certains des témoignages les plus mémorables (et parfois hilarants) de la commission d’enquête du même nom, Blouin s’est ensuite attaqué à un autre sujet où le verbe est souvent haut en couleur, le monde du hockey.

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Avec le disque Sport national, paru en avril 2023, le compositeur mêlait de nouveau l’humour, la virtuosité et une certaine critique sociale : « J’ai envie qu’on rie, mais aussi qu’on pense, c’est un contenu qui est politique même si ce ne sont pas des albums engagés », dit le contrebassiste. Cette dimension, évidente dans le projet Charbonneau, aurait pu être un peu mise de côté dans Sport national, mais elle s’y retrouve tout de même dans le choix de certains sujets, notamment l’émeute du Forum de 1955 ou la Série du siècle de 1972 entre le Canada et l’URSS. Mais n’attendez pas de sitôt une nouvelle pièce sur le but gagnant de Connor McDavid lors de la dernière Confrontation des 4 nations : « Mon processus est vraiment long, avoue Blouin, je suis incapable de suivre l’actualité ! »

Au rythme de la parole

Comme Pierre Perrault ou René Lussier avant lui, Hugo Blouin a été attiré assez tôt par l’utilisation de la parole dans son œuvre. Plusieurs années avant la création du projet Charbonneau, il s’était intéressé à la musicalité des sons concrets (dont la voix) et au français tel que parlé aux Îles de la Madeleine pour Les palabres de Madeleine. Le travail de Lussier et son Trésor de la langue ont été une inspiration évidente pour Blouin, mais ses sujets lui sont venus avec le temps. Interpellé par les auditions de la Commission Charbonneau, il en intègre d’abord des extraits qu’il chante lui-même en s’accompagnant à la basse. « Autant le sujet que la voix me fascinaient. »

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Évidemment, les pièces de Blouin, autant pour les deux volumes de Charbonneau que pour Sport national, représentent pour les interprètes un défi de taille. C’est d’abord grâce à Kathryn Samman, puis à Julie Hamelin, que le compositeur trouve des chanteuses prêtes à le relever : « Au début quand Kathryn a accepté pour Charbonneau, personne ne voulait chanter ça ! Il fallait vraiment avoir envie du risque, et pour Julie ça a été la même chose. » Pour l’aspect spectacle, cette dernière avait aussi un atout non négligeable : « Elle a un fort caractère expressif, ce qui apporte un contraste intéressant par rapport à une esthétique jazz, plus en retenue » et permet aussi de rejoindre le côté fortement émotif qui est l’apanage des grands moments de sport. « Le luxe, c’est d’écrire pour une interprète spécifique », ajoute-t-il.

En utilisant du matériel parlé/chanté précis, la musique de Blouin prend souvent une dimension très organisée, mais il aime aussi ouvrir les structures et explorer d’autres horizons. Sur le deuxième volume de Charbonneau, par exemple, les voix de Sarah Albu, Elizabeth Lima, Gabriel Dharmoo et David Cronkite (tous membres du groupe Phth) viennent faire exploser Bien dans ma peau de l’intérieur !

Hugo Blouin, compositeur (et parfois chanteur) de « Sport national ». Photo: Vitor Munoz

Les archives vs le direct

Une autre spécificité de la musique de Blouin tient à l’utilisation d’archives sonores, un défi de taille à intégrer avec un groupe de jazz : « Jouer avec une bande, c’est vraiment fastidieux, la place pour l’interprétation musicale est vraiment moindre, ça devient un défi de virtuosité. Quand les paroles sont chantées, il y a moins ce caractère évocateur, mais il y a plus de musique qui peut se passer et ça m’intéresse davantage. » Parfois, le rythme indéniable du document sonore prend le dessus : « Dans Sport national j’ai mis quelques pièces où on suit l’enregistrement parce que c’était trop bon ! » Si le compositeur affirme que l’aspect recherche d’archives prend beaucoup de temps, il insiste sur la nécessité de la démarche : « Pour moi, le propos et les paroles ont beaucoup d’importance », confie-t-il.

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Après une longue gestation (son premier « projet hockey », finalement jamais réalisé, date de 2018) et près de 2 ans de concerts avec Sport national, Blouin regarde vers d’autres horizons. Son prochain album sera plutôt basé sur des entretiens intimistes, mais il continuera à y explorer la musicalité de la voix. « Il y a encore des choses qui me surprennent, qui déjouent mes attentes et ma volonté comme compositeur; c’est vraiment un luxe ! » Pour Le buffet (prévu pour novembre prochain), Blouin a fait appel à une nouvelle voix, celle d’Eugénie Jobin. De plus, après plusieurs années auprès de ceux qu’il appelle ses « amis de jazz », Blouin a aussi eu envie de faire appel à un nouveau groupe où on retrouve John Hollenbeck, Marianne Trudel et Aurélien Tomasi, en plus d’invités. « D’abord c’est hallucinant de les entendre, et ils ont le vocabulaire pour faire des liens », notamment entre les genres musicaux.

Après un passage au Petit Champlain de Québec le 27 mars, Sport national devrait être présenté (peut-être pour la dernière fois) à la Maison de la culture Mercier le 19 octobre.

www.sportnational.ca

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