Entre théâtre et performance, la compagnie L’eau du bain propose Créatures, une dystopie métaphorique qui s’inspire de l’univers de l’autrice, peintre et dessinatrice de bande dessinée finlandaise Tove Jansson. À Espace Go, jusqu’22 mars https://espacego.com/
Après De glace, la première création théâtrale immersive tout public de la compagnie basée sur un texte narratif (Le palais de glace de l’auteur norvégien Tarjei Vesaas) L’eau du bain revient à ses amours scandinaves en se demandant si d’une catastrophe peut naître quelque chose de positif, un peu comme comme dans L’été dramatique de Moomin de l’autrice suédophone Tove Jansson.
Avec Créatures, la compagnie commence un cycle consacré à l’eau. Car l’eau a envahi la ville. Elle s’infiltre partout, jusqu’à la scène du théâtre où flotte la structure précaire du décor, une construction faite de bric et de broc, sur laquelle onze filles et femmes, âgées de 5 à 70 ans, se sont réfugiées. Secousses et pannes d’électricité ponctuent cette cohabitation que cerne une menace diffuse.

Créatures est une dystopie poétique. Photo: Jonathan Lorange
Comme dans White Out et La chambre des enfants, la qualité de la lumière, d’un métallique tirant vers le sépia, est ce qui frappe d’emblée le spectateur. L’eau du bain veut dépayser le spectateur et s’adresser d’abord au ressenti. Un clapotis de gouttes qui tombent du plafond ajoute à d’ailleurs à l’ambiance.
L’utilisation de microphones, d’instruments de musique, acoustiques et électriques et parfois bricolés, donnent de la texture au son. Les personnages semblent sortir tout droit d’un conte suédois, ou s’être échappés de De glace, la production qui était présentée récemment au Prospero et en tournée canadienne.
Certains tableaux sont très réussis, comme celui qui est éclairé d’un vert uranium ou encore le moment où des nuages de crinolines blanches sont sorties de leurs paniers. L’ensemble laisse néanmoins le spectateur sur sa faim : il y a un peu trop de manipulations d’accessoires et le texte se perd dans les actions des nombreux protagonistes, qui n’apportent pas tous quelque chose à l’intrigue. L’effet poétique s’en trouve dilué.

Créatures s’inspire de l’univers de l’autrice suédophone Tove Jansson. Photo: Jonathan Lorange
Les filles et les femmes de Créatures doivent se battre contre le monde extérieur, elles lèvent et abaissent une manière de pont-levis pour sécuriser leur habitat. Cette métaphore du franchissement des frontières intéresse L’eau du bain – celles qui séparent les médiums artistiques, qui éloignent le public de l’œuvre et celles qui isolent les individus. Sur scène, la passerelle force les comédiennes à emprunter toujours le même chemin pour quitter leur abri et le décor, si prometteur, se révèle être un piège au niveau de la mise en scène.
L’eau du bain évite d’imposer une vision unique et tente de laisser le sens émerger par lui-même, d’après son mandat. Toujours est-il que Créatures plaira aux amateurs d’étrangeté. Créatures, à Espace Go, jusqu’22 mars https://espacego.com/
Créatures, mise en scène d’Anne-Marie Ouellet; avec Rasili Botz, Marie-Ève Fontaine, Nadia Gagné, Jasmine Guilbault, Lican-Marie Leduc, Jane Mappin, Sophie McPhail-Guay, Charlotte Richer, Camille Schryburt-Cellard, Inès Sinou et Jeanne Sinou.