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Près de 25 ans d’héritage
Une tête blanche élevée, énergique et confiante, se fraie un chemin à travers les rangées d’étudiants interprètes de l’Orchestre symphonique de McGill (OSMG). La baguette du maestro Alexis Hauser, aux normes rigoureuses, fend l’air comme les coups tranchants d’un sabre aiguisé. Pourtant, son cœur généreux et mélomane, sa communication sincère et sa bonne humeur contagieuse procurent aux musiciens et aux membres de l’auditoire un sentiment d’assurance et de confort.
Très apprécié à la direction de l’OSMG depuis près de 25 ans, Hauser se souvient de ses rencontres avec les plus grands chefs d’orchestre pendant sa jeunesse étudiante à Vienne, à Tanglewood et à Sienne. À l’époque, les stages d’été étaient longs et rémunérés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui pour les aspirants chefs.
En 1969, il a passé plus de cinq semaines de formation avec Franco Ferrara à l’Accademia Chigiana de Sienne en Italie. Professeur de Riccardo Chailly, Riccardo Muti et sir Andrew Davis, Ferrara était « un musicien phénoménal et un chef fantastique », déclare Hauser avec admiration. Une autre étape décisive a été franchie en 1973 lorsque le regretté Seiji Ozawa l’a invité à passer quatre semaines à San Francisco en tant qu’assistant. « Tout ce que j’ai dirigé à San Francisco s’est avéré être mon audition pour Tanglewood. Ce fut l’un des plus beaux étés de ma vie », se souvient le maestro. Il se rappelle Leonard Bernstein y dirigeant la Cinquième Symphonie de Tchaïkovski et jouant un concerto pour piano de Mozart. « Il adorait parler avec les jeunes étudiants. Il se sentait lui-même comme un étudiant plus âgé. »
Après avoir étudié le piano, le violoncelle et la direction de chorale, Hauser a achevé sa formation de chef avec le légendaire Hans Swarowski à l’Université de la musique et des arts du spectacle de Vienne (MDW). « Swarowski était un pionnier, notamment en ce qui concerne les rapports de tempo, que de nombreux chefs de l’époque ignoraient complètement. Ses cours de direction d’orchestre portaient également sur l’analyse des partitions. » Ayant étudié avec Arnold Schoenberg, Anton Webern et Richard Strauss, Swarowski a perpétué la tradition d’une compréhension limpide de la partition et d’une division fonctionnelle entre les mains des chefs – en gardant la pulsation dans la main droite et en n’utilisant la gauche qu’en cas de nécessité, explique Hauser.
Hauser doit une grande partie de son enseignement à cette approche. « Je mets l’accent sur le contenu de la partition, explique-t-il. La première chose à étudier est la forme et la structure. À partir de là, on développe une interprétation. Je dis à mes étudiants qu’ils doivent trouver la vérité derrière le chef-d’œuvre – et cette vérité se trouve uniquement dans la partition. » En ce qui concerne la formation pratique, Hauser se considère comme un observateur. « Je ne veux pas que mes étudiants m’imitent ou imitent quelqu’un d’autre. J’essaie de les aider à trouver leur propre personnalité. C’est un processus fascinant. »
En tant que jeune chef en herbe, il s’est imprégné de la riche tradition qui résonne encore aux concerts de l’Opéra national de Vienne et de l’Orchestre philharmonique de Vienne. Il se souvient de « l’expérience bouleversante » vécue en entendant pour la première fois Leonard Bernstein diriger Das Lied von der Erde de Gustav Mahler à la fin des années 1960. D’autres grands chefs ont également laissé leur empreinte : Carl Schuricht, Hans Knappert-sbusch, Pierre Monteux, Dimitri Mitropoulos, Georg Solti, George Szell.
Mais c’est Herbert von Karajan qui a laissé l’empreinte la plus marquée. « Il savait exactement comment obtenir les résultats qu’il souhaitait de la manière la plus efficace possible. Les musiciens de l’orchestre devaient être très préparés. Il ne perdait aucune seconde de répétition pour lui-même, pour se sécuriser. Tout était axé sur le son qu’il voulait [obtenir de l’orchestre]. C’était impressionnant », déclare Hauser.
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Photo : Tam Photography
Peut-être plus que les autres musiciens, les chefs apprennent sur le tas. « Je peux étudier les partitions autant que je veux, mais quand vient le moment de répéter avec l’orchestre, la gestion du temps est cruciale . Je dis à mes étudiants de se préparer, de ne pas trop parler, voire de ne pas parler du tout lors de la première répétition. Les musiciens ne veulent pas entendre les paroles d’un chef, mais avoir, en le voyant, une impression clairement définie », indique le doyen de la scène montréalaise de la direction d’orchestre.
À propos de ses débuts à la Musikverein de Vienne en 1970, ou à l’Atlanta Symphony et à l’Orchestre symphonique de Montréal en 1976, maestro Hauser regorge de conseils avisés à l’intention de la relève en direction d’orchestre. « Les concerts ne représentent pas un défi si l’on est bien préparé », dit-il. La première répétition est l’occasion pour les orchestres d’évaluer si le chef sait ce qu’il fait, et ils peuvent le savoir avant même que vous donniez le premier coup de baguette ! Vous devez connaître parfaitement le morceau et laisser l’orchestre jouer. Ensuite, concentrez-vous sur ce que vous voulez qu’il améliore et travaillez-y en deuxième répétition. Il y aura des choses à améliorer, quel que soit l’orchestre que vous dirigez. »
Après des décennies de tournées dans le monde entier, avec certains des meilleurs orchestres du monde, Hauser peut dire avec assurance ce qui distingue un grand orchestre des autres. « Tout d’abord, c’est le son. Lorsqu’on donne une levée à un grand orchestre de 100 musiciens, on ressent à quel point ils respirent ensemble et produisent un son riche et cultivé. Ensuite, un grand orchestre veut s’améliorer d’une représentation à l’autre. Il n’aime pas qu’un chef le flatte, il veut être mis au défi. »
Dirigeant l’OSMG depuis bientôt 25 ans, Alexis Hauser, qui a inspiré des générations de musiciens et de chefs, continue de bâtir son héritage dans le tissu même de l’excellence de la tradition orchestrale montréalaise.
L’Orchestre symphonique de McGill joue dans la production d’Opéra McGill de The Light in the Piazza le 31 janvier et les 1er et 2 février, puis dans un programme de Ligeti, Prokofiev, Gibson et Strauss le 28 février. www.mcgill.ca/music
Traduction : Andréanne Venne
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